lundi 26 septembre 2011

Pro Patria Mourani

À défaut d’un bouleversement majeur ou autre grand changement dans la course à la direction du Bloc québécois, je prévois soutenir Maria Mourani. Mais afin d'éviter que quelqu'un en sert afin de simplement lui coller l'étiquette de la « candidate des anglos » ou d'une autre telle bêtise, je vais noter quelques événements et tendances d’actualité qui soulignent la pertinence de sa candidature, en ce moment politique qui s’avère fort compliqué.


Image volée de blocquebecois.org

* D’abord, il y a le défait massif du Bloc aux élections cette année. Pendant les élections, durant lesquelles j’ai travaillé pour le BQ comme bénévole dans une circonscription montréalaise, je me souviens d’avoir regardé un jour des biographies du caucus bloquiste. En tant que jeune, urbaine, disons même un peu branché (ça se dispute), j’y voyais très peu pour m’exciter en politique. Si l'on peut le parodier un peu, on dirait un gang de vieillards campagnards endormis, presque tous des blancs « de souche » à quelques exceptions que je pouvais compter sur une main. On a déjà entendu la critique qu’ils étaient tous contents de prendre leur argent de retraite fédérale et s’en aller.

Même s’il y a une tendance en politique occidentale en faveur des hommes âgés, je trouvais ce regroupement plutôt peu représentatif de la société d’aujourd’hui, ce qui nous ramène à une critique « de gauche » du Bloc, souvent répété : qu’il y avait quelque chose d’« ethniciste » au fond de son activité, malgré les discours répétés de Gilles Duceppe selon lesquels les gens de toutes les origines étaient québécois sans exception (moi-même aussi, peut-être!). La politique doit parfois aller en avant, en menant la société vers sa propre évolution, et la passivité sur ce front laissait à croire qu’il y avait quelque chose qui ne va pas, soit dans le parti, soit dans la société qu’il prétend défendre.

En fait, quand j’étais en campagne électorale, j’étais un peu surpris par le choix de candidats à Montréal. Je ne vais pas attaquer la personne choisie pour ma circonscription (s’il y avait une course à la nomination, on a oublié de m’informer). C’est vrai que les comtés de Montréal sont un peu perdus d’avance. Mais il y a aussi une activité de construction à long terme à entreprendre. Si les «ethnies» ne votent pas de bon bord, qu’on trouve une stratégie pour gagner leur vote, possiblement en présentant des candidats et candidates qui se voient un peu plus dans ces circonscriptions très diverses, et non un énième Québécois de souche, un vétéran soit du FAÉCUM à l’UdeM, soit de Jean de Brébeuf, soit de l’École du Barreau, et j’en passe. Zzzzzzz

Certes, le Bloc faisait très bien sans le soutien de ces « autres » groupes. Mais les chiffres et l’expérience nous indiquent que plus que jamais, on ne peut pas simplement compter sur les francophones « de souche » de « rentrer chez eux » en matière électorale. Les francophones blancs ne sont plus acquis. Les jeunes encore moins : les jeunes francophones que je connais, en m’expliquant pourquoi ils ont voté NPD, voient dans les partis souverainistes une certaine fermeture au monde, une exclusion des autres, un manque de curiosité. Par contre, comme étranger, j’ai toujours regardé la différence québécoise comme faisant partie de la diversité culturelle du monde. Mais la mondialisation existe, quoique plutôt freinée en ce temps de récession mondiale. Les jeunes désirent y avoir accès et en récolter les bénéfices. Alors les souverainistes doivent alors trouver une façon de répondre.

Plusieurs autres événements plus récents qui nous indiquent le chemin à suivre :

* Dans les nouvelles, on s’inquiète sur le manque de francisation des immigrants, et la laxité grandissante de l’OQLF face à l’affichage en anglais. On constate aussi dans la vie quotidienne (moi je l’ai fait plusieurs fois dans ce blogue) que l’anglais se répand de plus en plus à Montréal, sans même qu’on le demande. Les immigrants se parlent souvent en anglais entre eux. Un francophone converserait toute de suite en anglais avec une minorité visible, même une personne née et éduquée ici. Avec raison, François Legault nous a récemment attiré l’attention vers la responsabilité des québécois d’arrêter d’immédiatement parler en anglais à quelqu’un qui à l’air d’ailleurs ou qui parle le français avec un accent. Pourtant ce n’est pas vraiment sous son contrôle.

Évidemment, il y a non seulement un combat institutionnel, mais aussi une opération de charme qui doit avoir lieu auprès des immigrants, ce qui serait sans doute plus facile avec une immigrante, une minorité visible, à la tête de la seule force politique au fédéral qui défend le français au Québec. Lien 1, Lien 2.

* La déportation récente de Mme Ortiz. On dirait un énième exemple des changements néfastes effectués aux politiques d’immigration depuis l’entrée au pouvoir de Harper. Des expulsions, des révocations de citoyenneté. Est-ce qu’il y a des abus à corriger? Oui, c’est sûr. J’entends des histoires des abus du système commis chez les communautés latino-américains, par exemple. Mais la politique sur l’immigration mexicaine a été malmenée, et pendant ce temps ce pays-là est visiblement aux prises d’un état de perte de la règle de droit, voire une insurrection ouverte. J’ai aussi été plutôt déçu quand le Canada a renoncé à sa tradition de pays d’accueil des dissidents de la guerre au Vietnam, peut-être un des seuls bons actes de M. Trudeau, et a commencé à expulser des soldats américains qui fuyaient l’occupation en Iraq.

Personnellement, j’ai constaté une hostilité grandissant chez les agents d’immigration. Pourtant, j’admets que je suis vraiment anglo de souche (j’ai des ancêtres écossais aussi, et peut-être un français quelque part, mais on ne sait pas trop où exactement). Je n’ai pas de tatouages, je ne suis pas barbu, j’ai pas de cheveux rastas, alors c’est quoi qui avait poussé l’agente à l’aéroport Dorval à commencer à m’insulter parce que j’ai préféré laissé collé ma carte de résidence permanente à la lettre, afin de ne pas le perdre et faute d’autre bonne option (un moyen de la coller à l’intérieur de mon passeport serait bienvenu)? En effet elle était plutôt hostile, me posant plein de questions que je n’avais jamais reçues jusqu’à cette date-là, et ce jusqu’au moment où elle a demandé en quoi j’étudie. « Droit » je réponds très sèchement. Soudain, les questions arrêtent, elle tamponne mon passeport en me remerciant sans enthousiasme.

Imaginez si j’avais été minorité visible sous ce régime. Quelle cellule aurais-je vue cette nuit? Évidemment, on a besoin d’une chef qui peut fustiger avec crédibilité le gouvernement Harper en matière d’immigration. Vraisemblablement, une Maria Mourani répondrait plus à ce besoin que pourrait un Brian Topp ou un Jean-François Fortin.

* L’épisode du « blackface » à l’HÉC. Des conneries typiques de la rentrée qui ont pris une ampleur hors contexte, aggravées par les propos de quelques étudiants épais qui ont chahuté la première personne de couleur passant avec son iPhone en disant « Un vrai noir! Smoke weed, mon! » Je ne crois pas que la majorité de ces étudiants voulaient dénigrer les noirs. Peut-être leur déguisement était vraiment à l’honneur d’un athlète jamaïcain et non pas une caricature peu respectueuse. Mais peu importe la vérité, The Gazette a profité de cet épisode pour intimer subtilement une fois de plus que les Québécois sont une gang de racistes. En effet, le drame des accommodements raisonnables il y a quelques années a démontré que l’histoire des relations interraciales au Québec n’est pas tout à fait réglée. Et parlant d’expérience, je vois qu’il y a peut-être un besoin d’une formation de sensibilité raciale qu’on devrait instaurer quelque part. D’ailleurs, si les profs à l’UdeM vont persister avec les maudits travaux en équipe mur à mur, peut-être ils pourraient les mieux gérer afin d’assurer que les groupes ne se divisent simplement en « ethnies ici, québécois là » comme est actuellement trop souvent le cas. Et le blackface ne se fait pas, on n’est plus aux années 1890. Dans ce contexte, une minorité visible à la tête d’une formation souverainiste serait un bon coup, peut-être même une influence positive sur les relations interraciales au Québec. En plus, The Gazette, Globe and Mail, ainsi que les autres médias fédéralistes semblables vont devoir chercher une autre ligne d’attaque contre la spécificité québécoise, vu que leur thèse primaire serait en quelque sorte réfutée.

* Réformes conservatrices du Code criminel – voici un autre dossier cher au gouvernement Harper où Mme Mourani risquerait être une critique crédible, car elle a déjà publié des livres sur les gangs de rue, détenant une maîtrise en sociologie. N’étant pas criminologue, je ne pourrais pas vraiment évaluer la véracité de ses livres, mais le fait qu’il y en a deux qui ont été publiés me semble déjà prometteur. D’ici peu, je vais apprendre plus sur le droit pénal, alors je pourrais peut-être revenir avec des commentaires plus profonds. Je ne vois pas, par contre, pourquoi on chercherait à calquer notre politique en la matière sur celle des Américains, qui ont le taux d’incarcération le plus élevé du monde, le tout avec des prisons privatisées à but lucratif, ce qui pourrait seulement inciter encore plus cette philosophie d’incarcération en masse. On voit les débuts de ce système ici, surtout avec les peines minimales pour la possession de la drogue, et autres peines hors contexte. Qui va héberger tous ces contrevenants à 1 oz qu'on cherche à créer? En comparant Mme Mourani à ses adversaires, je ne vois pas en quoi quelqu’un d’autre aurait un avantage.

Je ne connais pas personnellement la candidate, et j’avoue que j’aurais probablement nommé une autre candidate comme mon premier choix. Mais nous avons les options qui nous sont données, et je profite de ce moment afin de partager les points forts relatifs de la candidate à laquelle je donnerai probablement mon vote. Bonne journée.

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