samedi 29 janvier 2011

Le formulaire

Même si je suis anglophone (et « anglais de souche » en large partie), j’ai fait mes études à Montréal dans une institution francophone, ce qui était ma porte d’entrée au Québec, disons. Je suis devenu résident permanent pendant ce temps. L’an passé, j’ai fini mon programme et maintenant je poursuis mes études dans un autre domaine.

Source: Billsophoto

Les responsables de mon ancien programme m’ont récemment envoyé un formulaire d’évaluation du programme pour leurs fins de statistique, etc. En plus des questions typiques sur la qualité de l’enseignement, les rapports avec le professeur, etc., il y en a eu quelques-unes sur l’aspect social de mon éducation dans l’école, et les opportunités j’ai eu pour m’intégrer avec les autres étudiants. Je vous avoue que j’ai du me dire « très peu d’accord » avec l'idée que j'ai « pu intégrer avec les autres étudiants ».

S'intégrer - ah oui?

Je pense surtout aux francophones d’ici qui étaient dans le programme avec moi. À vrai dire, il n’y a pas eu beaucoup d’interaction avec eux pendant mes années dans le programme. Sauf quelques occasions ponctuelles dont je raconterai l’histoire dans des billets futurs.

Mais il y a peut-être 2 tendances, ce qui donne 3 grands choix pour l’étudiant étranger pas encore complètement francophone :

Tendance 1 – Je deviens un prof d’anglais – gratis! Les autres étudiants me recrutent soit pour m’impressionner avec leur anglais conversationnel, ou pour le parfaire avec l’aide d’un enseignant involontaire. C’est très beau, ça. Mais je suis venu ici pour apprendre le français, pas pour me côtoyer aux anglophones. Peut-être c’est méchant de dire ça, mais c’est la vérité. En plus, mes tentatives en français ne recevaient aucune validation. Ce genre de relation ne pouvait pas durer longtemps.

Tendance 2 – Un peu de contact avec un francophone d’ici. Il y a peut-être des mots échangés avec quelqu’un qui apprend toujours la langue -- ce qui provoque des moments gênants où l’un ne comprend pas le sens de quelque chose tellement de quotidien. Une blague ou une phrase. Voire le message au complet, à cause de l’accent. Cette situation devient très fatigante et ils commencent à regarder leur montre, ou ils pensent à des excuses afin de s'en aller, etc. Je ne peux pas vraiment leur blâmer. Ils ne m’ont jamais demandé de venir dans leur pays, après tout, et ils sont occupés et déjà névrosés par la chasse et la dissimulation qui découlent inévitablement de la guerre des sexes.

J’imagine que ça n’aide pas non plus que l'université a été mal bâtie -- tous les couloirs étaient étroits. Toutes les salles de classe – aussi petites et étroites. Donc tout le monde était dans la face de tous les autres, constamment. Pas de répit sauf un arsenal d’excuses pour s’échapper…

À cause de ces tendances, les trois grandes options pour l’étudiant étranger se présentent :

1) Faire tout en anglais. Être ami juste avec des anglophones et les francophones qui cherchent un prof d’anglais sans rien payer. C’est sans doute une option. Et si tu aimes ces gens, pourquoi pas, au fond? Et si tu coules à l’école parce que tu n’as jamais pu pratiquer le français assez souvent, tant pis. D’autres anglophones viendront te remplacer plus tard.

2) Essayer de faire tout en français. Et recevoir ainsi la réprimande de tous les francophones qui aurait préféré que tu parles en anglais, de tous les francophones qui parlent français, et se fâchent parce que tu ne le parles pas assez bien à leur avis, ainsi que tous les anglophones d’ici qui pensent que parler français est un châtiment, de la répression sociale ou, au mieux, un outil pour parler aux handicapés linguistiques. C’est-à-dire, une piste rapide vers l’isolement social. (J’ai choisi cette option.)

3) Abandonner l’idée d’une vie sociale, ou quitter le Québec. Peut-être tu reviens chez toi, ou peut-être tu t'en vas en France.
Le truc c’est qu’avec option numéro (2), il y a des sorties de secours. D’abord, on peut faire semblant d’être germanophone ou quelque chose du genre. C’est ce qu’une prof de français nous a recommandé une fois, après qu’on s’est rendu compte de l’escroquerie qu’est Montréal en tant que ville francophone. Mais c’est gênant, et je ne pourrais jamais porter les nécessaires pantalons en cuir.

Un chemin d'évasion linguistique?

L’autre porte de sortie est celle des immigrants, y compris les «minorités visibles» qui parlent français aussi. Mais cela risque d’être difficile, parce qu’ils ont d’habitude déjà une compétence en anglais. On se trouverait ainsi dans l'option (1).

L’école a un « bureau international » qui donne des fêtes, qui offre un peu de vie sociale, mais je trouve ça bizarre. Pourquoi ça devrait être juste les étudiants internationaux? Où sera l’occasion pour les étrangers et les gens d’ici de se rencontrer? En fait, quand j’y pense, dans les partys et événements hors classe, j’ai toujours fini par parler en français avec un autre immigrant (ou immigrante)…

Tout ça veut dire que, par exemple, le gars qui rentre dans le pays avec l’idée de se trouver une belle québécoise sera déçu. Ou quelque chose d’autre du même genre. Ou quelqu'un qui souhaite simplement apprendre la langue et être capable de l’utiliser en ville…

Donc j’ai coché la case de « très peu d’accord ». Les étudiants étrangers sont très rentables pour les universités, qui paient environ 4000 $ de plus par session. Mais il semble qu’il n’y a pas de plan pour favoriser leur contact avec les gens d’ici.

2 commentaires:

  1. Ç'a été exactement comme ça pour moi à l'UQÀC.

    Un conseil : En plus de travailler ton français jour et nuit, essaie de côtoyer les immigrants francophones, surtout les Français qui, de manière générale, ne maîtrisent pas assez l'anglais pour prétendre à une conversation en anglais avec toi. Ça m'a beaucoup aidé.

    Ça prend du temps pour se bâtir un bon réseau d'amis dans un nouveau pays, mais lâche pas car ça viendra.

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  2. Merci!

    Entendre que c'est la même situation en région, c'est triste.

    Oui, c'est une bonne idée -- J'ai déjà des amis immigrants francophones. Mais je dévoile ces histoires dans des billets à venir!

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